
Le contexte politique sénégalais incite à une méditation exigeante sur la dialectique entre l’aspiration à l’unité nationale et la complexité irréductible de son histoire plurivoque. La quête effrénée d’une unité homogène traduit souvent une volonté implicite d’étouffer, voire d’effacer, les divergences constitutives des sociétés humaines — divergences qui, loin d’être des failles à combler, constituent au contraire l’armature dynamique de toute construction sociale authentique.
En cherchant à abolir ou à marginaliser ces différences, on favorise une représentation idéalisée et univoque du passé et du présent, qui escamote la nature conflictuelle intrinsèque à toute narration historique.
Sur un plan critique, cette obsession pour l’unité s’apparente à une forme insidieuse d’« idéologie de l’effacement », où la pluralité des acteurs, des voix et des antagonismes est nivelée sous le prisme d’une harmonie factice et réductrice. Ce processus risque d’appauvrir notre appréhension des dynamiques historiques, lesquelles se construisent précisément dans le rapport dialectique entre conflit et consensus, entre tension et compromis.
En somme, cette perspective invite à reconnaître que la richesse de l'histoire réside dans ses antagonismes, et que leur reconnaissance ne doit pas être perçue comme un obstacle à l'unité, mais comme une condition de sa compréhension véritable. La dynamique antagoniste n'est pas incompatible avec une vision globale ; elle en est souvent le moteur.
Et de toutes façons, les Cassandre peuvent se rendormir: le projet est trop précieux et ses porteurs y veilleront au prix de leur vie.
Matar SÈNE, membre du bureau politique et coordonnateur communal PASTEF Diourbel